Candidature Intrepide

Que faire ? L ‘ennui… l’ennui était partout, omniprésent et désolant. Le monde était désespérément ennuyant, voilà la pensée de l’Empereur en ce moment de la journée, le soir tombant, le ciel rougissant, le soleil allant se coucher, la nostalgie du paysage et de la beauté présente envahissait totalement toute âme vivante. Pendant cette période ô combien triste, l’Empereur était content de pouvoir contempler la nature dans toute sa splendeur, évènement simple mais heureux de la vie, auquel il apportait une importance tout particulière. Un oiseau voletant de ci de là, une colombe d’ailleurs : un signe ? Peut-être une paix prochaine ? Un grand prédateur pourchassant une innocente proie, une scène coutumière et évocatrice de la vie. Il ne se trouvait pas dans son palais, il ne se trouvait pas dans l’espace, à ordonner quelque ordre signifiant la mort de milliers de personnes. Il n’était pas non plus avec sa femme, il n’était pas non plus avec son fils, chose étrange puisque depuis son retour de campagne il avait passé son temps avec ses aimés. Il était… ailleurs, sans conteste. Dans une forêt, sur une montagne qui dominait la mer, infinie bleutée et pure, indomptée et indomptable. Ici, les gens n’éprouvaient pas l’irrépressible désir de tout salir, de tout dominer dans leur néfaste expansion, d’apposer sur chaque chose leur marque illégitime. L’Empereur ne connaissait pas cela, il ne pouvait par ailleurs le concevoir.

Ainsi, en harmonie avec la nature, sur sa planète natale, loin encore une fois des intrigues politiques, des jeux du pouvoir, de la guerre qui ravageait, ravage et ravagera des foyers, millions de familles amputées de l’un des leurs, l’Empereur songeait. Il songeait au monde, il songeait à la vie, il songeait au bien fondé de chaque chose, à son peuple qui espérait tant de lui. Cruelle existence ! Pour lui, l’ennui, c’était cela, c’était cette inlassable guerre qui perdure encore, c’était son peule qui attendait de son chef qu’il le sorte des combats, ce peuple qui pourtant, quelque part au fond de lui compatissait au malheur de son Empereur. En cet endroit, il n’était pas confronté à cela, il se sentait presque libre ! Et il regardait, admirait toute la nudité de ces lieux. Un papillon passa devant lui, il l’attrapa au vol, le dévisageant presque, se demandant comment il pouvait se promener en si totale insouciance alors que plus loin on pleurait. Oh, comme il enviait le papillon en ce moment, lui qui n’avait que ses ailes et ses antennes à s’occuper, et rien d’autre, sauf peut-être cueillir une proie pour son dîner. Il le relâcha, le suivant encore des yeux, jusqu’à ce qu’il disparaisse totalement au fin fond de l’univers. La nature avait tous ses droits, elle était seule souveraine, reine dominant toutes choses, se sachant aimée et aimant.

Maintenant, l’Empereur s’était glissé jusqu’à la plage, il foulait le sable presque blanc de ses pieds. Une légère bise faisait ondoyer l’eau bleue turquoise. Le bruit du vent dans les arbres, plus hauts, puis sur la crête de l’eau était tout ce qu’il y a de plus charmant. Vraiment, qu’on était bien sur cette plage devant cette mer, en bas de cette forêt ! Il n’y avait qu’à lever encore plus haut la tête et nous pouvions apercevoir les blanches montagnes, par delà la forêt et la grève. Ce monde était le plus beau, mais il allait devoir le quitter, se replonger dans le bain du pouvoir. La nuit devenait de plus en plus opaque, le jour était passé. Les étoiles s’allumaient une à une, et criblaient le ciel de leur fin éclat. La nuit arrivait remarquablement vite en cette période de l’année. Il allait devenir temps de rentrer, pensa avec regrets l’Empereur.